Le pion seul étant naturellement trop faible pour mater, le gain est lié à la possibilité de promotion du pion en une pièce capable d'y parvenir, c'est-à-dire, comme nous le savons maintenant, nécessairement une Dame ou une Tour. Examinons dans quels cas cette promotion peut être forcée.
Tout d'abord, sans participation du Roi blanc, le pion peut se révéler irrattrapable.
Le Roi blanc peut jouer un rôle décisif d'accompagnateur mais, là encore, il est important de savoir qui a le trait.
En somme, dans cet exemple, on ne gagne que si le pion arrive sur la 7e rangée sans donner échec !
Revenons maintenant sur la position après 1...Rb8!. Les deux Rois sont l'un en face de l'autre, une seule case les sépare, et le trait est aux Blancs. On dit que les Noirs ont l'opposition (il s'agit, dans ce cas, d'une "opposition simple").
Nous verrons très bientôt des exemples d'"opposition éloignée" (non plus une, mais 3 ou 5 cases entre les deux Rois) et d'"opposition diagonale" (les deux Rois sont sur une même diagonale).
Ce concept est primordial dans les finales de pions, et nous le reverrons au chapitre Il. Ainsi, pour être bien clair :
Un camp a l'opposition si :
1) Il n'a pas le trait (autrement dit, ce n'est pas à lui de jouer).
2) Les deux Rois sont situés sur une même colonne, rangée ou diagonale et séparés par un nombre impair de cases.
Avoir l'opposition représente presque toujours un avantage, qui se révèle souvent décisif. On retrouve la notion de "zugzwang" (voir "notation algébrique et signes") : le camp qui a l'opposition force l'adversaire à jouer, ce qui signifie "perdre du terrain", et souvent, de ce fait, la partie. De multiples exemples vont rendre tout cela familier au lecteur.
Le Roi a tout intérêt à précéder le pion. Même alors, il ne pourra réussir qu'avec l'opposition. Il existe une exception que nous verrons juste après.
Ce n'est que lorsque le Roi, tout en précédant le pion, a déjà atteint la 6e rangée, que l'on gagne, avec ou sans opposition, à condition qu'il ne s'agisse pas d'un pion-Tour.
Considérons le cas du pion-Cavalier, où la proximité du bord de l'échiquier crée, par une menace de pat, une difficulté supplémentaire :
S'il s'agit d'un pion-Fou, ou d'un pion central, les Blancs ont naturellement, au trait, deux méthodes de gain symétriques, en jouant comme ci-dessus. Précisons aussi, toujours dans le cas où le Roi est en "sixième", que le gain s'obtient même si le pion n'est pas encore sur la 5e rangée.
Que le pion ne soit pas trop avancé devient même un avantage si le Roi n'est qu'en cinquième, car il peut alors reconquérir l'opposition.
Avec le pion-Tour, les chances de gain diminuent considérablement, les possibilités de pat interdisant toutes les manoeuvres de débordement précédentes. Pratiquement, les Noirs s'assurent la nullité, si le Roi réussit à atteindre la case f8 s'il s'agit d'un pion "h" (notre exemple), la case c8 s'il s'agit d'un pion "a". Si le pion était noir, le Roi blanc viserait évidemment c1 ou f1.
Dans l'exemple suivant, les Noirs au trait atteignent facilement f8. Mais voyons ce qui se passe si les Blancs jouent.
B: + - N: =
On a pu constater, dans ce 6e paragraphe déjà, la richesse et la variété du sujet. L'étude de Grigoriev, qui constitue un véritable "précis de délicatesse", en est une preuve. Nous poursuivrons au chapitre Il, de façon plus approfondie, l'examen des finales de pions. Auparavant, nous donnons quelques exercices simples (solutions à ne consulter qu'après réflexion, si possible).
Quelques passages de ce premier chapitre auront peut-être semblé ardus au débutant. C'est que, glissées çà et là dans la théorie élémentaire, les choses sérieuses ont déjà commencé ! Je pense toutefois qu'il en aura saisi I'essentiel. Une relecture est, de toute manière, recommandée avant de poursuivre.